Mercredi matin, les démocrates, les attentats, les chrétiens, les mandéens… et l’alcool
Erbil, Irak – Hier en soirée, je me suis couché avec les nouvelles de la journée : une série d’explosions dans plusieurs quartiers chiites de Bagdad ; les démocrates de Barack Obama allaient certainement perdent les élections de mi-mandat – d’ici, cela n’a aucune importance, ou plutôt très peu d’intérêt : Obama ou quelqu’un d’autre est du pareil au même, me dit-on.
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À mon réveil, j’écoute les nouvelles sur BBC World et Radio France Internationale : Obama a perdu sa majorité au Congrès, mais conservera peut-être une légère avance au Sénat – il reste les résultats de la côte ouest à venir. Les onze voitures piégées d’hier à Bagdad ont fait près de 75 morts dans les quartiers chiites.
C’est ce que je retiens.
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Pour mon quatrième jour d’atelier, le tôt d’absentéisme est plus élevé. À part l’un des participants qui est malade, on m’explique : « Shawqi est parti d’urgence à Bagdad parce que l’un des ces frères a été blessé lors des attentats d’hier ».
Bagdad n’est jamais très loin.
D’ailleurs, à la suite de la prise d’otage dans une église de la capitale dimanche soir dernier, et au carnage qui a suivi (qui a fait 53 morts), les participants aux ateliers ont aussi été touchés directement. Au moins deux d’entre eux sont chrétiens, dont Alaa qui participe à mon atelier de vidéo. Il me raconte que cette église est située tout près de celle qu’il fréquente. Il ajoute : « Déjà les chrétiens de Bagdad ne se sentaient pas très bien parmi toutes ces violences entre chiites et sunnites, mais là, ça va être pire. Depuis le début de tous ces troubles, les chrétiens n’avaient jamais été la cible directe. Bien entendu, on ne peut exclure les morts dus aux attentats suicides, mais là, c’est nous qui étions visés. Que vont faire les chrétiens de Bagdad ? Vont ils fuirent pour Erbil pour ensuite s’exiler ailleurs ? Ce serait trop triste. Pour rien au monde, je ne veux quitter Bagdad que j’aime. »
Si cela arrive, les chrétiens de Bagdad viendront rejoindre d’autres minorités religieuses qui ont du quitter les violences de la capitale et de différentes régions du sud comme les mandéens et les yezidis. Erbil reçoit depuis quelques années, un nombre croissant de nouveaux habitants, des gens qui fuient les combats et les attentats. Ce qui explique aussi, certainement, la croissance rapide de la ville.
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Sur le tôt d’absentéisme, je soupçonne une autre raison. Ici, à Erbil il y a un quartier chrétien où la vente d’alcool est permise et tolérée. Alors les participants qui viennent pour la plupart de Bagdad, en profitent, et tous les soirs. Il faut comprendre : dans la capitale, il est dangereux de se faire prendre par l’une des nombreuses milices, avec de l’alcool.
Je suis donc invité à me joindre à eux, dans l’une des chambres, pour boire, danser et chanter. Le « libéralisme » d’Erbil permet un certain répit.
Mais Bagdad, son conservatisme ambiant et sa réalité ne sont jamais bien loin.
2 Comments
À Radio-Canada, on indiquait hier que de 800 000 en mars 2003, les chrétiens de Bagdad étaient maintenant moins de 500 000!!!
Fais attention toi!
C’est fou et triste : ces communautés sont là depuis des siècles. Près de deux mille ans pour les chrétiens et plus encore pour les mandéens qui descendent d’une religion qui date d’avant l’islam et la chrétienté. Triste sort !