La plupart des commentateurs s’entendent pour dire que le discours de Barack Obama, cette semaine au Caire était, pour le moins important, voire même certainement historique (lien vers le discours intégral en français).
Toutefois, comme le précise Gil Courtemanche dans son commentaire du Devoir de ce weekend, « Le président américain n’a annoncé rien de neuf. […] Ce qui est historique, ce sont le respect, l’ouverture et l’humilité dont il fait preuve. Ces trois qualités ont rarement fait partie de l’arsenal des Etats-Unis dans leur conduite des affaires mondiales. »
Je poursuis avec Alain Gresh du Monde diplomatique, et l’article qu’il publie aujourd’hui même sur son blogue :
« Incontestablement, le discours du président Barack Obama prononcé le 4 juin au Caire est important. Sa signification réelle, nous la mesurerons dans les prochains mois. Je voudrais ici simplement reprendre quelques réactions et analyses, qui vont de l’enthousiasme au scepticisme, de divers commentateurs et responsables arabes, israéliens et occidentaux. […] »
« Daniel Levy, sur son blog (projet conjoint de la New American Foundation et de The Century Foundation) fait dix remarques à chaud sur le discours, « 10 Comments on Obama in Cairo – Still Accumulating, Not Expending Capital ». Il fait dix commentaires dont je retiens les suivants (dans son introduction, Daniel Levy remarque que le président n’a pas prononcé le mot de terrorisme) :
• le discours marque l’acceptation du dialogue avec l’islam politique ; il trace une ligne de démarcation claire entre Al-Qaida et d’autres mouvements politiques, notamment le Hamas dont il affirme qu’il a un rôle à jouer dans l’avenir de la Palestine ;
• même si le discours est important, rien n’a été défini en termes d’analyse concrète ;
• le président a reconnu l’implication des Etats-Unis dans le coup d’Etat de 1953 en Iran (même s’il n’a pas présenté d’excuses) et il a affirmé le droit de l’Iran a l’énergie nucléaire pacifique ;
• il n’a eu aucun mot positif sur le président Moubarak et il a maintenu l’importance du droit des peuples à choisir librement leur gouvernement.
Le journaliste britannique Robert Fisk, qui avait publié le 2 juin un article très négatif sur le discours à venir du président dans le quotidien The independent (« Most Arabs know this speech will make little difference) », semble infléchir sa position le 5 juin dans son texte « Words that could heal wounds of centuries » :
« En l’écoutant, on se dit : Obama ne mentionne pas l’Irak, et ensuite il le fait (“une guerre choisie… nos troupes combattantes partiront”). On se dit il ne mentionne pas l’Afghanistan, et ensuite il le mentionne. » Bien sûr, le président américain omet plusieurs points, l’arme nucléaire israélienne ou la guerre israélienne contre Gaza. Et Robert Fisk de conclure :
« Un type intelligent, cet Obama. Ce n’était ni Gettysburg, ni Churchill, mais pas mal quand même. On peut seulement se rappeler les observations de Churchill, “les mots sont faciles et nombreux, les grandes actions sont difficiles et rares.” » […] »
Alain Gresh poursuit un peu plus loin :
« Helena Cobban, dont on connaît le blog « Just World News », était à Damas le jour du discours et elle a inteviewé Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas (« US-MIDEAST : Hamas Leader to Obama : Deeds, Not Words »).
Mechaal : « Le discours était intelligemment écrit pour s’adresser au monde musulman et dans la manière dont il a montré du respect pour l’héritage musulman. Mais je pense que ce n’est pas suffisant. Ce dont on a besoin, ce sont des actes, des actes sur le terrain, un changement de politique.
(…) Pourquoi Obama est prêt à dialogue avec l’Iran sans conditions préalables, et pas avec nous. Obama utilise des mots nouveaux en partie différents de ce que nous avons entendu chez Bush, mais en aucun cas nous n’acceptons de préconditions. »
Le dirigeant du Hamas a affirmé qu’il était prêt à prendre un café avec George Mitchell, l’envoyé du président Obama qui doit se rendre dans la région ces jours-ci. Il a rappelé que Mitchell qui avait contribué à la paix en Irlande du Nord devait agir comme il l’avait fait là-bas, parler avec tout le monde, sans conditions préalables.
Enfin, un petit rappel historique, le discours que le président William Clinton avait prononcé à Gaza, le 14 décembre 1998, « Remarks by the president to the members of the palestinian national council and other palestinian organizations ». Le président américain y disait déjà aux Palestiniens : « Je connais les souffrances terribles qui ont résulté de la violence, de la séparation des familles, de la restriction dans la circulation des personnes et des biens. Je comprends votre préoccupation devant la colonisation, la confiscation des terres et la démolition des maisons. » Dix ans plus tard, les mêmes problèmes demeurent… »
***
Il reste donc au président américain à faire ses preuves en agissant. Car ce discours ne doit pas faire oublier la réalité sur le terrain. Pensons seulement à l’annonce faite par le premier ministre israélien de poursuivre la colonisation des territoires palestiniens en Cisjordanie au lendemain de sa première visite à Washington. Qu’a fait le président américain, lui qui se dit contre la poursuite de la colonisation ?
Alors que fera-t-il dans les prochains mois pour donner suite à ses belles paroles prononcées cette semaine ?
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