Jeudi 30 avril
Ma première discussion avec Sola remonte à près de deux semaines. C’est par téléphone que je lui expose mon projet de film avec Afro Reggae et le Bad Taste Cru et mon intention d’y inclure un chapitre montréalais. Je suis à la recherche d’une artiste engagée auprès de sa communauté comme je la crois être.
Immédiatement, elle m’explique son travail : « Je suis animatrice au Drop In de Saint-Michel auprès de jeunes adultes de 18 à 30 ans. Pourquoi des ateliers pour jeunes adultes ? Parce que pour cette tranche d’âge, il n’y a pas beaucoup d’activités dans le quartier, si ce n’est le sport.
« Il faut aussi créer un espace pour ces jeunes-là. Certains d’entre eux sortent de centres d’accueil à l’âge de 18 ans et ne savent pas trop où aller. Quelques uns sortent de prison… D’autres ne savent juste pas où se retrouver pour « chiller ».
« C’est un lieu pour créer et pour s’exprimer. Un endroit pour se rencontrer aussi. Ils sont plus d’une dizaine de jeunes à venir régulièrement. Cela est sans compter le studio d’enregistrement auquel ils ont accès. »
La discussion est parsemée d’expressions que je peine à comprendre ; je devrai m’y faire, la culture hip hop a son propre langage.
En terminant, elle m’invite au spectacle du lendemain avec son groupe Las Lolas, composé exclusivement de filles
Au La tulipe, Vendredi soir, 1er mai
Il n’est pas difficile de trouver Sola. La salle est encore vide et ils sont une dizaine autour d’elle. Carnet de notes à la main et cellulaire à l’oreille, elle raccroche : « Il vient d’arriver. Il cherche un parking. » Je la sens nerveuse. Je vais me présenter.
Dans moins de trente minutes le spectacle d’avant-première doit commencer. Ce sont les jeunes du Drop In qui ouvriront son propre show à elle, mais ils ne sont pas tous là encore. Ils se font attendre. Elle ne cesse de faire des appels.
C’est avec désinvolture, que le DJ arrive, salue tout le monde et monte directement sur la scène avec sa « caisse de lait » remplie de vinyles. Les écouteurs sur les oreilles, il se fait des mixes et s’amuse avec les platines.
Le spectacle d’une quarantaine de minutes commence avec quelques instants de retard. Jamel, le maître de cérémonie aussi intervenant au Drop In, annonce et présente les différentes formations qui se succèdent sur la scène, certains avec un peu plus d’aplomb que d’autres. En français, en anglais, en espagnol et certainement en créole, peu importe.
On réinstalle la scène pour Sola et sa formation. Avec sa guitare acoustique et son tabouret de bar, nous sommes loin de ce que j’imaginais comme show à tendance hip hop. Elle a une belle prestance sur scène. En cours de route, elle invite quelques collaborateurs qu’elle reconnaît dans la salle à venir à tour de rôle la rejoindre sur la scène le temps d’une pièce.
Aux pieds de la scène, les jeunes du Drop In semblent contents d’être là, d’avoir pu performer sur une vraie scène et d’assister à la prestation de Sola.
Tout au long de ces deux spectacles, c’est un peu l’esprit de Saint-Michel qui s’exprime. Fiers, les jeunes tout comme Sola, revendiquent leur appartenance à ce quartier plus au nord et à leur culture.
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