Une suite, en quelque sorte, à « Voyages et littérature » publié le 16 février dernier.
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Me voilà de retour de Port-au-Prince. Un second séjour de tournage depuis le séisme du 12 janvier dernier. Lors de voyages de production comme ceux-là, il m’est bien entendu difficile de porter mon attention ailleurs que sur le projet. J’ai donc dû laisser de côté mon appareil photo qui me suit toujours, et mes livres de lecture pour ne pas perdre le fil.
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Depuis janvier, mais surtout depuis mai dernier, je tente de parfaire ma connaissance de la littérature haïtienne qui se limitait presque exclusivement à Dany Laferrière et Émile Ollivier dont j’ai retrouvé un des livres dans ma bibliothèque juste avant mon départ. Je me suis promis d’y revenir.
J’ai commencé mes devoirs avec « Gouverneurs de la rosée » de Jacques Roumain. À Port-au-Prince même, j’ai mis la main sur une édition haïtienne de « Les comédiens » de Graham Green, dont l’intrigue se passe à l’Hôtel Oloffson durant les pires années du régime de Papa Doc et sa célèbre et sanguinaire milice des Tontons Macoute.
Au cours des derniers jours, je me suis lancé à la recherche de sites d’intérêts sur Haïti. Un premier « répertoire » trouvé : le blogue « Papalagui, littératures éparses et ultrapériphériques » de Christian Tortel sur site des blogs du Monde, qui nous réfère à plusieurs pages sur Haïti, dont ce blogue de Jean-Marie Théodat. Ce matin, je suis tombé sur ce texte, « Le deuil des autres« , publié au lendemain des défaites du Brésil et de l’Argentine à la Coupe du monde en Afrique du Sud. L’auteur termine son article avec ce paragraphe – c’est moi qui souligne :
« Je me dis que le football n’est qu’un prétexte à une confrontation nécessaire entre des groupes dont c’est l’ultime raison d’exister, en l’absence d’actions et de projets de société qui les mobilisent en vue du bien commun et de l’intérêt général. Cette belle jeunesse à l’énergie profuse fourmille d’idées et de chantiers, mais il manque une vraie partition, une feuille de route claire pour diriger cette débauche de talents et cette saine passion vers des buts plus élevés qu’un simple carré de filet sur une pelouse factice. Un peuple qui accorde autant d’importance à une manifestation sportive à laquelle elle n’a même pas été invitée, alors que les décombres de la capitale sont encore fumants sous ses tentes, ne peut pas être tout à fait idiot, ni tout à fait insensible à la douleur. Je préfère y voir le signe d’une résilience réelle, d’un fairplay souverain dans la défaite sportive comme dans le deuil et qui semble y préparer. Il s’agit d’un signal envers les élites pour dire que ce peuple aussi rêve de victoires et de trophées, qu’il est encore capable de se mobiliser et de s’enthousiasmer pour des objectifs élevés. Bref, qu’il n’est pas enseveli ni abasourdi par la chute des murs. Qu’il est encore debout. « Se bite l’bite, l’poko tonbe ». Il a beau trébucher, il n’a pas encore touché le sol. »
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